• Chapitre 1 - 3ème partie

    J’ai attendu encore longuement au milieu de mes tapis sans toucher au livre. Le fils du vendeur de tapis m'a finalement découvert. Je ne connaissais pas son nom bien que je le voyais régulièrement. Un garçon sympathique, aux cheveux châtain mi long et aux yeux marrons, plutôt grand. Il deviendrait probablement vendeur de tapis à son tour, comme son père et ses ancêtres avant lui.

    Il aurait très bien pu m’expulser en vitesse, pourtant il s’est approché de moi et s’est assis à quelques mètres. Au bout d’un moment, son père l’a appelé. Toby. Il s’appelait Toby. Il s’est levé mais alors qu’il s’apprêtait à s’éclipser, il m’a demandé :

    -          C’est bien toi, Mira ?

    -          Oui, ais-je simplement répondu.

    Il a hoché la tête puis s’est retourné et a disparu derrière un tapis.

                Ne voyant toujours personne approcher tandis que le ciel s’embrasait déjà, j’ai décidé qu’il était désormais trop tard : plus personne ne viendrait. Le mystérieux barbu ne m’avait pas vraiment donné d’horaire. Il m’avait simplement demandé de revenir au même point une fois ma mission accomplie. A présent je le regrettai amèrement. Et s’il ne revenait plus ? Je me retrouvais avec un livre énorme, étrange et effrayant sur les bras, sans autre récompense. J’aurais dû me douter que celle-ci était trop belle…

                Je ne savais pas où aller. Je n’avais nul foyer à rejoindre pour la nuit. Alors je suis restée au milieu des tapis et j’ai finis par m’endormir, sans manger, le livre serré contre moi.

                J’ai rouvert les yeux sur une nuit noire et profonde que seule la lune illuminait. J’étais affamée. Mais ce n’était pas cela qui m’avait réveillée : le livre étincelait de nouveau et une douce chaleur en émanait.

                Un bruit a attiré mon attention. J’ai levé les yeux sur une ombre dissimulée derrière un tapis. La lumière de la lune à contre-jour dessinait les contours d’une silhouette masculine. Surprise, j’ai lancé sans réfléchir :

    -          Montre-toi avant que je ne plante mon couteau dans ta chaire !

    -          Ce ne sera pas nécessaire.

    C’était Toby.

    -          Pourquoi m’espionnais-tu ?

    -          Permets-moi de te faire remarquer que tu es ici chez moi.

    -          Je n’ai pas de chez moi, ais-je répondu du tac au tac.

    Il a adopté un silence gêné devant ma rhétorique.

    -          Tu as raison, je vais partir, ais-je finalement proposé pour dissiper son malaise.

    -          Non ! Je veux dire… Je suis content de pouvoir t’aider…

    Mauvaise pioche. J’ai démarré au quart de tour, sur la défensive :

    -          Je n’ai besoin de l’aide de personne !

    -          Ce n’est pas ce qu’on m’a dit !

    J’ai vraiment été déstabilisée. Je l’ai vu se mordre les lèvres. Mais c’était trop tard, il avait piqué ma curiosité. J’ai continué sur un ton méfiant :

    -          Qui t’as dit quoi ?

    -          Je ne sais pas qui c’était. Un homme d’un certain âge.

    -          Tu veux dire un vieux ?

    J’ai de suite fais le rapprochement avec mon commanditaire.

    -          Tu dois donc savoir où il est ! J’ai quelque chose à lui remettre.

    -          Il a parlé d’une organisation. C’est tout ce que je sais.

    -          Bon ! Cela devrait me suffire pour le retrouver, je vais me renseigner.

    -          Tiens-moi au courant, d’accord ? a émis Silas tandis que je m’apprêtais à décamper.

    Je lui ai lancé un regard noir : pourquoi se mêlait-il de mes affaires ? Puis son regard s’est posé sur le live.

    -          Très bien, mais pas un mot à qui que ce soit, c’est clair ?

    J’ai bondit à l’extérieur sans attendre de réponse. Il faisait encore bien sombre mais je n’avais pas une seconde à perdre. J’étais bien décidée à le retrouver avant qu’il ne quitte la ville. J’ai faufilé ma main sous un simple rideau dissimulant un étal remplit de fruits. Rien de plus simple que de voler une pomme à cette heure de la nuit. Les soldats chargés de surveiller la marchandise ronflaient bien fort, allongés sur les dalles de pierre. Même s’ils m’avaient surpris, il m’aurait suffi de leur rappeler ces instants humiliants pour leur faction afin qu’ils me laissent partir en me faisant promettre de ne jamais recommencer. Je partirais avant, bien sûr, faignant de ne pas avoir entendu.

    J’ai pris à gauche en direction des Maas, les quartiers qu’on ne fréquente pas la nuit sans avoir une excellente raison de le faire. Ça tombait bien : j’en avais une de la première importance !

    Là-bas, la nuit semblait encore plus noire et profonde. Les cris lugubres des chats sauvages, les bruits de pattes des rats y résonnaient plus que nulle part ailleurs, glaçant d’effroi les cœurs les plus sensibles. Je soupçonnais cette ambiance macabre d’être la couverture protectrice des habitants contre les forces de l’état, qu’ils fuyaient sans cesse. Je n’avais pour ma part rien à craindre de ce genre de fréquentations. J’y étais respectée, au moins ! Le résultat d’une carrière foisonnante de brigandage, cambriolages et autres malgré mon jeune âge et ma féminité. En plus du fait que je ne me laisse pas faire avec ces gens-là, bien sûr…

    C’est là que je l’ai trouvé, titubant contre un mur de pierres sombres, bourré à en vomir. Enrik. Je l’ai aidé à rejoindre l’abri de jardin qui lui servait de maison sans rien dire. Il s’est affalé sur un vieux tabouret et je me suis installée bien en face de lui sur une seconde antiquité poussiéreuse.

    -          Merci ma p’tite Mira, j’ai bien crus que j’allais passer ma nuit dehors, eh ! a-t-il soupiré.

    Je me suis contentée de le regarder dans les yeux. Son air pitoyable me donnait la nausée autant que l’odeur entêtante de l’alcool qui imprégnait son être.

    -          Mais je me doute que tu n’as pas donné un coup de main à un pauv’ mec pour rien. Que puis-je faire pour toi, ma mignonne ?

    -          Tu as déjà entendu parler d’une organisation secrète siégeant à Kensyr ?

    -          P’têt bien… J’me souviens plus trop, là…

    Il allait poser une main crasseuse sur ma cuisse lorsque l’un de mes couteaux s’est figé dans le mur à quelques millimètres de son crâne dégarni.

    -          Ok ça va, calme-toi, je crois que je vois de quelle organisation tu veux parler.

    -          Je t’écoute.

    -          On dit que les enfants qui disparaissent – si leur cadavre n’est pas retrouvé – atterrissent dans une sorte de secte ou je ne sais trop quoi, appelé l’Organisation.

    -          Et comment trouver des membres ?

    -          Les disparitions se font le plus souvent à l’est de la ville, du côté des ruines d’Entak. C’est probablement dans cette zone qu’est leur QG, à l’écart.

    -          Merci.

    Je me suis levée, j’ai saisi mon couteau d’un geste décidé et je me suis retournée vers la sortie. Enrik m’a retenue par le bras, manquant de perdre sa main au passage. Heureusement pour lui je me suis contentée de lui jeter un regard noir.

    -          Attends, on dit aussi que les enfants ne reviennent plus jamais vers leur famille…

    -          Ça tombe bien, je n’ai pas de famille.

    -          Pas de sang, peut-être, mais nous… On forme un peu ta famille en quelque sorte, non ?

    J’ai marqué un temps d’arrêt, l’ai fixé dans les yeux. Je voulais qu’il me lâche.

    -          Non. Avoir une famille ne te ressemble pas, Enrik. Tu n’as toujours fais attention qu’à toi-même et à ta bouteille de Whisky.

    Sa main a relâché son emprise. J’ai encore soutenu son regard un instant avant de déguerpir. Je n’étais pas très douée pour les adieux. Mais à ce moment-là, je ne pensais pas que, moi aussi, je ne reviendrais plus."

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  • Commentaires

    1
    Samedi 30 Mai 2015 à 19:54

    Salut tout le monde !

    Je sais, je sais, j'ai une semaine de retard... Désolé ! Pour me faire pardonner, cette partie-là est plus longue ;) N'hésitez pas à laisser un commentaire pour me conseiller, me faire des reproches, donner votre avis... J'en serais ravie et je m'en souviendrais dorénavant !

    Enki ^^ 

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