• De Adwel Sil'Gaard

    Le Pendu du Diable

    Londres était silencieuse cette nuit-là. Bruce s’avançait le long du trottoir. Nombreuses échoppes étaient ouvertes mais la rue était déserte. On entendait au loin les trains qui passaient à vitesse grand V devant la gare dont on parvenait à peine à distinguer la grande horloge lumineuse. Vingt-trois heures quarante-trois. Bruce était en retard.
    Il accéléra son allure et se dirigea vers un grand entrepôt sinistre. Lorsqu’il entra, il fut accueilli par un concert d’applaudissements ironiques de ses quatre amis. Brad, Edward, Elvis et Josh l’attendaient. Il leur vola une poignée de main et saisit sa guitare électrique. Dark Falcons’Hellreiser était au complet. Edward distribua des chewing-gums et prit sa basse électrique. Josh s’installa à la batterie, après s’être roulé un énorme pétard. Et ils commencèrent. L’intro dura vingt-huit secondes, avant que Brad se mette à chanter.
    You can see it in the eyes of a child.
    You can hear it into the voice of the old.
    The struggle for meaning, for reason, acceptance, completion.
    The eyes of hope and the voice of reason.

    The words of wisdom and the strength of a vision.
    The truth is written in all of our eyes.
    The strength and the weakness.
    The sheer act of choosing to live your own fucking life.

    There is strength in this struggle and it's more than words and writing.
    It's living and dying, it’s laughing and crying, it’s learning and teaching, and striving and reaching.

    To take back and rebuilt our lives,
    to take back and rebuilt our lives!

    And it's the voice of reason and the eyes with a vision that keep me moving on.
    To remember those that came before, the ones I've loved, hatred and adored.
    For all that I've seen and felt. Been given and been dealt.
    And for all that has yet to come.

    This is for our struggles, our lives, our troubles, our times.
    For protest - resistance - action - persistence.
    For life and love!

    And those with the courage to say that enough is enough.
    Yes this is for you my friend, my lover, my sister, my brother,
    My mother, My father, the one like no other.
    My past, my present, my hope for the future.
    My son, my daughter, grandmother, grandfather, and all that I’ve seen exit life.

    Let's take back and rebuilt our lives.
    So we can listen to reason
    and bask in this wisdom.
    And finally have the strength to look in our children's eyes.

    And know that we're not feeding them lies:
    That we took back and rebuilt our lives.
    Les musiciens poursuivirent, menant un léger decrescendo et le morceau se termina sur un solo de guitare électrique, très harmonieusement joué par Elvis. Ils se regardèrent, le sourire aux lèvres. Ces trois semaines de répétition avaient porté leurs fruits. A présent, chacun connaissait sa partie sur le bout des doigts. Ils finirent la nuit étendus sur de vieux sofas, tirant taffes sur taffes, sniffant généreusement et roulant sans ménagement le coûteux cannabis.
    Le lendemain, Bruce se leva à dix heures vingt-sept. Soucieux de ne pas réveiller les autres, il sortit de l’entrepôt pour ranger ses affaires. A cette heure-ci, la rue était noire de monde. Et pour cause, la confirmation par référendum du maintien de la Grande-Bretagne dans la CEE avait été reçue deux mois plus tôt et l’économie avait monté en flèche depuis lors. Il descendit à la gare pour prendre le train en direction de Liverpool. Sur place, il acheta un journal et un paquet de cigares, avant de se diriger vers le wagon des premières classes. Là, il sortit son journal et se lança dans la lecture d’un article sur la création de l’entreprise Microsoft.
    En face de lui, une femme d’une vingtaine d’années le regardait d’un air vicieux. Comprenant, Bruce sortit un billet de cinquante livres et le lui tendit. Elle sourit et l’accompagna dans un wagon deuxième classe en le tenant par la main. Elle l’invita à rentrer dans une petite cabine équipée d’un lit, dont elle avait ajouté un rideau à la fenêtre en lui glissant au passage les mots Fantaisies Ténébreuses à l’oreille. Ils passèrent les trois quarts du trajet dans cette petite chambre, à tenter toutes frasques possibles dans le noir. Puis, estimant avoir dépensé assez d’énergie, ils se ré-habillèrent et sortirent de la cabine en silence. Elle lui glissa sa carte dans la poche arrière gauche de son jean, lui donnant une petite claque au passage.
    Bruce récupéra son journal, marqua sa page et sortit du train. Sa grande sœur Ashley l’attendait. Ils quittèrent la gare en moto et elle le conduisit dans son appartement. Là, toutes ses œuvres étaient exposées. Elle peignait depuis ses quatorze ans et elle en était très fière. Son frère remarqua une nouvelle toile sur son chevalet.
    - Tu t’es mise aux portraits ? posa-t-il.
    - Oui, répondit-elle tout sourire. Les paysages ne m’inspirent plus.
    Le garçon s’approcha pour contempler le tableau dans ses plus amples détails. Il eut alors un frisson. L’homme représenté avait exactement les mêmes traits et le même regard que la fille du train, à l’exception prête qu’au lieu de longs cheveux châtains, il en avait de courts d’un rouge sang. Il fut perturbé de cette apparition.
    - Ça va ? lui demanda Ashley, inquiète de ce changement soudain d’atmosphère.
    - T’inquiète, répondit-il. Tout va bien.
    - De quoi as-tu envie ? Je te commande des pizzas ?
    - Pas de refus, coupa-t-il brièvement. Merci grande sœur !
    Pendant l’entretien de sa frangine au téléphone, il cherchait à savoir ce que cette dernière avait cherché à reproduire. Il retourna le tableau. Deux mots y étaient écrits. Perfecta Diaboli. Lorsqu’il passa à table, il lui sembla même avoir vu le tableau s’animer. Le Diable Parfait…Les Fantaisies Ténébreuses… Deux expressions marquantes qu’il avait retenues d’un livre nommé « 13th » entré mystérieusement en sa possession. En effet ce dernier lui avait été envoyé anonymement et il n’avait pu s’empêcher de le lire.
    Bruce sortit la carte de la fille du train de sa poche. D’une écriture rouge sang étaient gravés le patronyme Mary Complaint, suivit du numéro +44 5 661366. Drôle de coïncidence… Non, finit-il par marquer. Il réfléchissait trop. Ce n’était là qu’un curieux hasard, rien de plus.
    - J’ai rencontré un type super à l’université, commença Ashley. Il fait du modélisme. C’est lui qui m’a demandé ce tableau.
    - Il t’a donné la raison de ce thème ? demanda Bruce. Je le trouve assez intéressant.
    - Ce n’est pas pour lui, répondit-elle, mais pour une fille de sa section. Il en est follement amoureux.
    Elle lui tendit le plat.
    - Tu en reveux ?
    - Non merci, répondit-il, je vais devoir y aller.
    Sur ce, il l’embrassa, saisit son manteau et se dirigea vers Stanley-Parc. Sa copine Tracy l’attendait. Elle lui tendit un gros paquet très joliment ficelé.
    - Bon anniversaire ! lui souhaita-t-elle.
    - Merci beaucoup mon cœur, répondit-il extasié.
    Il ouvrit son cadeau. L’album complet des Sex Pistols, son groupe de rock préféré. Suite à quoi, ils s’embrassèrent longuement. La peau de Tracy était froide. Bruce aimait beaucoup son contact. Il s’en voulut presque d’avoir couché avec la fille du train. Le monde est ainsi se persuada-t-il. Ils passèrent le reste de l’après-midi à se promener dans le parc et à tomber dans de folles embrassées. Ils se quittèrent aux alentours de dix-huit heures.
    C’est le lendemain que le drame se produisit. Après être retourné à Londres, Bruce avait dormi chez son ami Edward, le bassiste de son groupe. Après quoi, ils avaient rejoint le sombre entrepôt. C’est là qu’ils l’avaient vu… Le corps sanguinolent de Josh, sauvagement pendu au plafond d’une corde d’acier semblable à celle d’un piano, le tout accompagné d’un sinistre et curieux message écrit d’un rouge sang sur le mur.
    Paie de ton arrogance et de ta déloyauté
    Ô jeune adolescent aux amours amputés
    Par ta faute ton ami a été sombre victime
    De la puissante faux de ton ennemi légitime
    Le diable parfait a une fois de plus frappé
    Afin de mettre fin aux fantaisies ténébreuses
    Des jeunes aspirants aux conquêtes hantées
    Qui ont su créature des ténèbres rendre heureuse
    Edward et Bruce se regardèrent, l’un complètement désorienté, l’autre soudain pris de remords. Ce dernier songea. La fille du train… Elle n’était certainement pas étrangère à cette curieuse affaire. Il devait n’en parler à personne. Il raccompagna son ami chez lui sans lâcher un mot puis se dirigea vers l’appartement de location qui lui servait de domicile. Il examina le livre qu’il avait reçu. Le titre s’effaçait. Effaré, il tourna les pages. Partout, il lui semblait voir un visage. Ce visage si beau et si terrifiant qu’il voyait à présent partout.
    Il sombrerait dans la folie. Tout devenait clair à présent. Il avait pêché et ne pourrait se racheter qu’auprès du sinistre Lucifer. Alors sans hésiter, il alla chercher un couteau dans la cuisine, retourna à l’entrepôt, se trancha une veine et écrit de son sang : Le pêcher est lavé, je m’en retourne vers le Seigneur des Ténèbres, qu’il établisse à jamais mon châtiment éternel. Après quoi, il se retourna vers Josh, défit la corde de piano pour se l’attacher autour du cou et se suspendre au plafond. Il vit juste avant de mourir le visage du mort s’animer d’un sourire atroce et de yeux luisants et lâcha ses dernières paroles. Satan a eu raison de moi…
    Son corps et sa guitare ne furent jamais retrouvés.

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 7 Mai 2015 à 21:21

    Bonjour, nous sommes ravis qu'au bout de quelques jours de création du blog on nous envoie déjà des écrits, ça fait plaisir ! Nous avons discuté de ton texte et une des premières choses qu'on a dit c'est "la coupure nous à vraiment été mise au bon endroit...".
    Ton histoire laisse beaucoup de mystères dès le début ce qui fait qu'on est directement accroché à l'histoire. C'est du bon travail !

    Ça se passe dans un milieu qui correspond bien à notre société actuelle et il y a une place pour le doute ce qui fait qu'on se retrouve dans un contexte intéressant surtout pour les lecteurs qui, comme moi, aime les histoires originales où la suite n'ai pas déchiffrable.

    Encore merci pour ton écrit !

    2
    Vendredi 8 Mai 2015 à 17:15

    Hello!

    First, I'm glad you like my text. Don't worry, I'm planning a sequel and I start tonight. It also would be pleased that you publish it in your section "vos écrits" (if you make it). What more? I'm starting now in the short stories and I hope you enjoy them.
    See you soon

    3
    Samedi 9 Mai 2015 à 11:33

    Très bon écris mais attention de ne pas mettre d'incohérence par rapport à la dates

     

     

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    4
    Samedi 9 Mai 2015 à 22:01

    Kecdra a raison, je n'avais pas fais attention à la date... ^^

    Néanmoins ce n'est pas très grave, continue d'écrire cette histoire et à nous l'envoyer régulièrement !!!

    5
    Dimanche 10 Mai 2015 à 16:59

    I solved the problem. Thank you very much. This story takes place in 1975.

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