• Histoire à suivre N°1

    Histoire à suivre N°1

    Attention l'histoire est dans l'ordre de lecture, les derniers articles postés sont en bas et non en haut contrairement aux autres rubriques

  • Chapitre 1 – Mira 

     

                « Mon nom est Mira. Mira tout court, pour ceux qui se poseraient la question. Et je vais vous raconter comment je me suis retrouvée ici, tout à fait malgré moi.

    Ce matin-là, comme la plupart du temps, le soleil tapait fort sur la ville de Kensyr. La lumière se reflétait sur les murs blancs  des maisons tandis que Je progressais dans les ruelles étroites du centre en longeant les murs pour trouver un peu d’ombre. Même le sable brûlant flamboyait sous mes pas dans des petits nuages d’étincelle qui retombaient lentement derrière moi. Pas un souffle de vent. Cela rendait mon avancée plus douloureuse encore mais j’y étais habituée et cela ne me gênait plus le moins du monde depuis longtemps. De toute façon le vent, dans ma contrée, est toujours chaud et fait tourbillonner le sable. Au moins les rues étaient vides, et j’en bénissais les dieux : mon travail n’en serait que plus simple.

    Récupérer un vieux bouquin. Moi qui ne sais à peine lire, vous vous rendez compte ? Voler des armes, des objets précieux ou de la nourriture, je veux bien ; truquer des convois, apeurer les riches commerçants, d’accord ; mais trouver un livre dans une baraque abandonnée ? C’est bien la première fois que l’on me payait pour ça ! Et c’était bien la première fois que je voyais quelqu’un d’aussi tordu pour me demander ça ! Je n’aurais peut-être pas dû accepter ! Mais en voyant la récompense, je ne pouvais pas refuser. Je me suis dit qu’il devait avoir une grande valeur, ce machin…

    Dans mon métier on se méfie de tout, on est toujours sur la défensive, tous nos sens en alerte. Mais on ne gagne pas grand-chose, donc quand on trouve un boulot avec beaucoup d’or à la clef, je peux vous dire qu’on n’hésite pas beaucoup. Je ne sais pas si c’est une bonne chose de courir ainsi après un travail douteux. Mais là n’est pas la question. Aucun d’entre nous – ou très peux – n’avons véritablement choisis de vivre ainsi. Moi j’arrive à gagner ma vie comme ça, et ça me plait plutôt pas mal vu que je ne connais que ça. Il faut dire aussi que je me suis forgée une petite réputation, mais que j’arrive toujours à rester discrète malgré tout. Quand quelqu’un me cherche, il me trouve, si j’en ai envie. Sinon il peut toujours chercher, ça fait un peu d’exercice !

    Enfin bref, on se fou un peu de ma condition et je ne vous demande pas votre avis. De toute façon je ne compte pas revenir dessus, j’ai été élevée ainsi et c’est la seule chose pour laquelle je suis douée. Voler. Un bien grand mot, d’après moi ! Mes « victimes » n’ont pas un besoin vital de ce que je leur substitue. Moi si. Et puis j’aide parfois les plus démunis, soulignons-le je vous prie, je ne veux pas passer pour une horrible gosse ! Je leur fais des réductions lorsqu’ils me demandent un service… Ne faites pas cette tête, vous ne pensez tout de même pas que je vais travailler gratuitement, la vie coûte chère par chez moi !

    Je me dirigeais vers le plus ancien quartier.

    Il n’y a pas âme qui vive là-bas, je vous assure. Qu’est-ce qu’un livre aussi précieux ferait en ces lieux ? Cela fait longtemps que des pilleurs ont retourné l’endroit de fond en comble ! D’accord, un livre ne devait pas leur sembler intéressant, mais celui-ci devait bien être différent pour valoir aussi cher !

    Mon client, un vieux avec une longue barbe grise qui lui donnait un air mystérieux – plutôt classe pour un homme de son âge –, m’avait indiqué l’endroit d’une manière assez floue mais m’avait assuré que je reconnaîtrais le livre au premier coup d’œil. "Dans la plus haute maison", m’avait-il confié. Sauf que toutes les maisons se ressemblaient. Des copies conforment, de la même taille. Je ne connaissais pas vraiment le coin – en même temps on m’y donne rarement du travail, habituellement – mais je n’ai jamais remarqué de différences. Il fallait commencer par la chercher elle, et le vieux avait l’air sur de lui… J’ai parcouru le quartier en sautant de toits en toits sur les maisons rapprochée, toujours plus loin. Les charpentes, fragilisées par le temps craquaient sous mon poids et les vielles tuiles dégringolaient derrière moi. Cela ne m’a pas arrêté, bien au contraire ; j’étais plus rapide et n’avais pas intérêt à rester au même endroit trop longtemps.

    Le quartier tout entier était bâtit sur le flan d’une colline. Je remontais donc ainsi vers le sommet. J’ai alors réalisé que la maison la plus haute n’était pas forcément plus grande que les autres, seulement bâtit au point culminant. Connaissant mon objectif exact, j’ai cessé les détours et pris la direction précise du sommet. Enfin, je suis arrivée à la fameuse maison, en tout point identique aux autres mais clairement au-dessus. Je suis entrée par une petite fenêtre juste sous le toit en brisant le verre opaque d’un coup de pied. Il faisait sombre à l’intérieur. La maison était toute poussiéreuse et les araignées avaient colonisé l’endroit. Tout ça pour dire qu’elle n’était pas très accueillante et que je ne comptais pas m’y éterniser ! J’ai scruté la pièce. Il y avait bien peu de meubles où ranger un livre et je doutais déjà qu’il soit dans cette maison. Je devais pourtant faire confiance aux informations de mon commanditaire et à mon instinct. J’ai inspiré profondément. Mauvaise, idée : j’ai bien cru m’étouffer avec la toute cette poussière ! Alors que je reprenais tant bien que mal une respiration normale, un curieux mélange entre aboiements, grognements et hurlements retenti au loin. J’ai de suite su de quoi il s’agissait : la meute de chiens sauvages ! Je les entendais déjà se rapprocher à vive allure. Il était possible qu’ils m’aient entendue grâce – ou plutôt à cause – de leur ouïe extrêmement fine…

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  • Ce n’était pas ma veine, ça ! Avais-je omis que l’ancien quartier abandonné était leur territoire de prédilection ? Non, j’avais simplement mis cette information de côté, espérant ne pas avoir à la ressortir. C’est ce qu’on appelle le risque du métier. Il était certes un peu tard à présent… Il fallait que je file en vitesse. Mais pas sans le livre, j’étais trop près du but ! Je me suis élancée à travers la pièce, j’en ai franchis d’autres en sautant agilement au-dessus des trous qui striaient les vieilles planches de parquet et c’est là que je suis tombée sur une pièce en meilleur état. En son centre, luisait un objet. Il était, en effet, bien simple de reconnaître le fameux livre, sachant que c’était bien le seul à dix lieues à la ronde et… Qu’il ne paraissait pas vraiment commun, ce livre, puisqu’il brillait d’un éclat bleuté…

    Peu m’importait, je n’avais pas le temps de me questionner d’avantage : il me semblait que la meute avait bel et bien décelé ma trace… Je l’ai saisi d’un geste vif et j’ai décampé aussitôt à vive allure : je n’avais pas intérêt à rester dans les parages si je tenais à garder mes membres accrochés à mon corps ! Je suis remontée sur le toit. Je doutais qu’ils puissent m’y atteindre. Je les ai aperçus s’engouffrer dans la maison par l’entrée. Naturellement…  Il n’y avait plus de porte. J’imaginais ce qu’ils auraient bien pu faire à ce pauvre livre sans défenses. Mes yeux se sont posés sur sa couverture. Il était en parfait état. Comment avait-il pu échapper aux morsures des souris, à la moisissure  et… à la poussière ?! L’étrange lueur devait être à l’origine du phénomène. Ou peut-être en était-ce une autre conséquence…

    Je suis d’un naturel curieux, ce qui me vaut parfois quelques ennuis dans mon métier. Mais j’étais bien décidée à découvrir ce qui se tramait avec ce bouquin intriguant. Alors je l’ai ouvert. Je vous l’ai déjà dit, je ne sais pas vraiment lire. Mais je connais tout de même mon alphabet. Pourtant, impossible de déchiffrer aucun de ces lettres. Les étranges caractères donnaient au livre un air plus merveilleux encore. Et de chacune de ces lettres, tracées à l’encre, émanait une faible lumière bleue…

    Les aboiements des chiens derrière moi m’ont immédiatement ramenée à la réalité. L’instinct de survie est toujours le plus fort. J’ai repris mes sauts de toits en toits en tenant fermement le livre contre moi. En redescendant la colline c’était plus simple, et j’ai eu vite faits de semer mes poursuivants bloqués à terre.

    Le soleil commençait déjà à baisser, et les gens à sortir. Il devait être aux alentours de dix-sept heures. J’ai progressé la tête basse parmi les maisons de terre ocrée, de bois et de briques rouges, mélange si caractéristique de la ville de Kensyr. Je sentais déjà les regards brûlants posés sur ma nuque. Je n’étais pas ici à ma place. Je n’étais nulle part à ma place. Mais je me débrouillais habituellement pour ne pas me faire remarquer. Avec mon énorme livre, ce n’était pas gagné ! J’ai vite réalisé que tous les regards rivés sur moi ne venaient pas des habitants, trop occupés à monter leurs étalages emplis de babioles. Non, j’étais suivie, j’ai avais la certitude. J’ai accéléré le pas et tourné à la première bifurcation. J’ai ainsi zigzagué dans un labyrinthe de ruelles de plus en plus étroites. Lorsque j’ai été bien certaine que plus personne ne me suivais, je suis habilement montée sur un toit pour me repérer. J’ai de suite adopté la bonne direction, vers le centre de la ville et la place du marché, sur laquelle j’avais rendez-vous avec mon commanditaire.

    J’étais profondément troublée.  Je ne comprenais pas qui avait bien pu suivre une jeune fille en haillon comme moi. La meilleure des couvertures. Les gens ne se doutent jamais de rien devant mon air innocent et doux.

    Quoi qu’il en soit, j’ai continué ma route prudemment, en jetant des coups d’œil nerveux derrière moi. Je suis finalement arrivée sans encombre au marché bourré de monde, comme à l’habitude. Avec mon corps menu – pour ne pas dire squelettique – il était facile de se faufiler discrètement dans la foule. J’ai atteint l’étal de tissus colorés ; l’endroit même où, quelques heures plutôt, on m’avait proposé un travail relativement intéressant. Même extrêmement intéressant.

    Le vieillard n’étant pas arrivé, je me suis installée parmi les tissus à l’arrière de la boutique, à l’abri des regards, et j’ai de nouveau ouvert le livre, qui ne luisait plus. C’est alors qu’un violent mal de tête s’est emparé de moi. Ma vision est devenue floue et des acouphènes on envahit mon esprit. J’ai vivement refermé le livre, la respiration haletante. Que s’était-il passé ? Au-dehors, les éclats de rires et de voix se mêlaient aux pleurent d’un enfant et aux huées des vendeurs. Personne n’avait remarqué quoique ce soit, et le brouhaha habituel régnait sur la place. Pourtant il me semblait loin, et moi, je me sentais isolée, à l’écart de toute cette agitation coutumière. Et tout cela m’attristait beaucoup, sans que je ne comprenne pourquoi.

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  • J’ai attendu encore longuement au milieu de mes tapis sans toucher au livre. Le fils du vendeur de tapis m'a finalement découvert. Je ne connaissais pas son nom bien que je le voyais régulièrement. Un garçon sympathique, aux cheveux châtain mi long et aux yeux marrons, plutôt grand. Il deviendrait probablement vendeur de tapis à son tour, comme son père et ses ancêtres avant lui.

    Il aurait très bien pu m’expulser en vitesse, pourtant il s’est approché de moi et s’est assis à quelques mètres. Au bout d’un moment, son père l’a appelé. Toby. Il s’appelait Toby. Il s’est levé mais alors qu’il s’apprêtait à s’éclipser, il m’a demandé :

    -          C’est bien toi, Mira ?

    -          Oui, ais-je simplement répondu.

    Il a hoché la tête puis s’est retourné et a disparu derrière un tapis.

                Ne voyant toujours personne approcher tandis que le ciel s’embrasait déjà, j’ai décidé qu’il était désormais trop tard : plus personne ne viendrait. Le mystérieux barbu ne m’avait pas vraiment donné d’horaire. Il m’avait simplement demandé de revenir au même point une fois ma mission accomplie. A présent je le regrettai amèrement. Et s’il ne revenait plus ? Je me retrouvais avec un livre énorme, étrange et effrayant sur les bras, sans autre récompense. J’aurais dû me douter que celle-ci était trop belle…

                Je ne savais pas où aller. Je n’avais nul foyer à rejoindre pour la nuit. Alors je suis restée au milieu des tapis et j’ai finis par m’endormir, sans manger, le livre serré contre moi.

                J’ai rouvert les yeux sur une nuit noire et profonde que seule la lune illuminait. J’étais affamée. Mais ce n’était pas cela qui m’avait réveillée : le livre étincelait de nouveau et une douce chaleur en émanait.

                Un bruit a attiré mon attention. J’ai levé les yeux sur une ombre dissimulée derrière un tapis. La lumière de la lune à contre-jour dessinait les contours d’une silhouette masculine. Surprise, j’ai lancé sans réfléchir :

    -          Montre-toi avant que je ne plante mon couteau dans ta chaire !

    -          Ce ne sera pas nécessaire.

    C’était Toby.

    -          Pourquoi m’espionnais-tu ?

    -          Permets-moi de te faire remarquer que tu es ici chez moi.

    -          Je n’ai pas de chez moi, ais-je répondu du tac au tac.

    Il a adopté un silence gêné devant ma rhétorique.

    -          Tu as raison, je vais partir, ais-je finalement proposé pour dissiper son malaise.

    -          Non ! Je veux dire… Je suis content de pouvoir t’aider…

    Mauvaise pioche. J’ai démarré au quart de tour, sur la défensive :

    -          Je n’ai besoin de l’aide de personne !

    -          Ce n’est pas ce qu’on m’a dit !

    J’ai vraiment été déstabilisée. Je l’ai vu se mordre les lèvres. Mais c’était trop tard, il avait piqué ma curiosité. J’ai continué sur un ton méfiant :

    -          Qui t’as dit quoi ?

    -          Je ne sais pas qui c’était. Un homme d’un certain âge.

    -          Tu veux dire un vieux ?

    J’ai de suite fais le rapprochement avec mon commanditaire.

    -          Tu dois donc savoir où il est ! J’ai quelque chose à lui remettre.

    -          Il a parlé d’une organisation. C’est tout ce que je sais.

    -          Bon ! Cela devrait me suffire pour le retrouver, je vais me renseigner.

    -          Tiens-moi au courant, d’accord ? a émis Silas tandis que je m’apprêtais à décamper.

    Je lui ai lancé un regard noir : pourquoi se mêlait-il de mes affaires ? Puis son regard s’est posé sur le live.

    -          Très bien, mais pas un mot à qui que ce soit, c’est clair ?

    J’ai bondit à l’extérieur sans attendre de réponse. Il faisait encore bien sombre mais je n’avais pas une seconde à perdre. J’étais bien décidée à le retrouver avant qu’il ne quitte la ville. J’ai faufilé ma main sous un simple rideau dissimulant un étal remplit de fruits. Rien de plus simple que de voler une pomme à cette heure de la nuit. Les soldats chargés de surveiller la marchandise ronflaient bien fort, allongés sur les dalles de pierre. Même s’ils m’avaient surpris, il m’aurait suffi de leur rappeler ces instants humiliants pour leur faction afin qu’ils me laissent partir en me faisant promettre de ne jamais recommencer. Je partirais avant, bien sûr, faignant de ne pas avoir entendu.

    J’ai pris à gauche en direction des Maas, les quartiers qu’on ne fréquente pas la nuit sans avoir une excellente raison de le faire. Ça tombait bien : j’en avais une de la première importance !

    Là-bas, la nuit semblait encore plus noire et profonde. Les cris lugubres des chats sauvages, les bruits de pattes des rats y résonnaient plus que nulle part ailleurs, glaçant d’effroi les cœurs les plus sensibles. Je soupçonnais cette ambiance macabre d’être la couverture protectrice des habitants contre les forces de l’état, qu’ils fuyaient sans cesse. Je n’avais pour ma part rien à craindre de ce genre de fréquentations. J’y étais respectée, au moins ! Le résultat d’une carrière foisonnante de brigandage, cambriolages et autres malgré mon jeune âge et ma féminité. En plus du fait que je ne me laisse pas faire avec ces gens-là, bien sûr…

    C’est là que je l’ai trouvé, titubant contre un mur de pierres sombres, bourré à en vomir. Enrik. Je l’ai aidé à rejoindre l’abri de jardin qui lui servait de maison sans rien dire. Il s’est affalé sur un vieux tabouret et je me suis installée bien en face de lui sur une seconde antiquité poussiéreuse.

    -          Merci ma p’tite Mira, j’ai bien crus que j’allais passer ma nuit dehors, eh ! a-t-il soupiré.

    Je me suis contentée de le regarder dans les yeux. Son air pitoyable me donnait la nausée autant que l’odeur entêtante de l’alcool qui imprégnait son être.

    -          Mais je me doute que tu n’as pas donné un coup de main à un pauv’ mec pour rien. Que puis-je faire pour toi, ma mignonne ?

    -          Tu as déjà entendu parler d’une organisation secrète siégeant à Kensyr ?

    -          P’têt bien… J’me souviens plus trop, là…

    Il allait poser une main crasseuse sur ma cuisse lorsque l’un de mes couteaux s’est figé dans le mur à quelques millimètres de son crâne dégarni.

    -          Ok ça va, calme-toi, je crois que je vois de quelle organisation tu veux parler.

    -          Je t’écoute.

    -          On dit que les enfants qui disparaissent – si leur cadavre n’est pas retrouvé – atterrissent dans une sorte de secte ou je ne sais trop quoi, appelé l’Organisation.

    -          Et comment trouver des membres ?

    -          Les disparitions se font le plus souvent à l’est de la ville, du côté des ruines d’Entak. C’est probablement dans cette zone qu’est leur QG, à l’écart.

    -          Merci.

    Je me suis levée, j’ai saisi mon couteau d’un geste décidé et je me suis retournée vers la sortie. Enrik m’a retenue par le bras, manquant de perdre sa main au passage. Heureusement pour lui je me suis contentée de lui jeter un regard noir.

    -          Attends, on dit aussi que les enfants ne reviennent plus jamais vers leur famille…

    -          Ça tombe bien, je n’ai pas de famille.

    -          Pas de sang, peut-être, mais nous… On forme un peu ta famille en quelque sorte, non ?

    J’ai marqué un temps d’arrêt, l’ai fixé dans les yeux. Je voulais qu’il me lâche.

    -          Non. Avoir une famille ne te ressemble pas, Enrik. Tu n’as toujours fais attention qu’à toi-même et à ta bouteille de Whisky.

    Sa main a relâché son emprise. J’ai encore soutenu son regard un instant avant de déguerpir. Je n’étais pas très douée pour les adieux. Mais à ce moment-là, je ne pensais pas que, moi aussi, je ne reviendrais plus."

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  • Chapitre 2Toby 

     

    « Mon nom est Toby. Je suis plutôt solitaire et rien ne me prédestinait à me joindre à vous. Pourtant, suite à des événements que je ne m’explique toujours pas moi-même, je suis ici. Voici donc le récit des derniers jours que j’ai vécu.

    Le dixième jour de l’année de la licorne de notre calendrier, un homme a toqué à la porte. Je ne le connaissais pas encore mais il s’agissait de Kendal.  

    En attendant, ce jour-là, j’étais réellement étonné de voir cet inconnu frapper à la porte d’une famille sans histoire plutôt heureuse. Il m’a simplement demandé de lui rendre un service, et j’ai accepté avec politesse d’écouter de quoi il s’agissait.

    -          J’aimerais que tu surveilles quelqu’un pour moi, m’a-t-il demandé.

    -          Je n’ai pas l’habitude de rendre ce genre de service. Vous devriez plutôt demander à  ces jeunes que l’on surnomme Les Missionnaires, qui remplissent toutes sortes de missions contre quelques pièces. Je vous conseille de vous adresser à une certaine Mira, bien qu’elle n’accepte de rencontrer que ceux qu’elle désire…

    -          C’est d’elle dont je parle.

    -          Pardon ?

    -          Je désire que tu surveilles la jeune Mira pour mon compte.

    Je ne connaissais Mira que par réputation. Je ne savais absolument pas où elle résidait pour la simple et bonne raison que personne ne le savait jamais. Je pensais qu’il pouvait s’agir d’une jeune fille brune aux cheveux courts que j’avais déjà aperçu furetant autour des étals du marché, avec un corps trop maigre pour une personne en bonne santé, et des pieds nus couverts de poussière. Il me semblait avoir entendu quelqu’un prononcer son nom mais je n’en étais plus certain.

    -          Tu devras peut-être la protéger contre les autres, mais surtout contre elle-même. Elle ne sait pas de quoi elle est capable.

    -          Moi non plus.

    -          Certes non mais vous le découvrirez bien assez vite. Je ne peux t’en dire plus. Tu as été choisi, sois en fier et honore la volonté des Dieux. Tu dois accomplir ton destin, jeune homme. Lorsque vous serez près, vous rejoindrez l’Organisation.

    -          Je ne sais de quoi vous parlez !

    -          Elle sera sur la place du marché, cet après-midi… Je l’espère.

    Puis il est partit, me tournant le dos. Je l’ai regardée disparaître au coin de la rue bouche bée. J’avais bien envie de jouer les détectives, même avec une voleuse de la trempe de Mira.

    Mon père est un marchand de tissus renommé, et lui apporter mon aide me semblait être une bonne couverture, alors je me suis élancé vers le marché après avoir glissé dans ma ceinture un couteau bien affuté. J’y ai attendu une bonne partie de la journée avant de distinguer la fine silhouette de la voleuse se frayer un chemin dans la foule. Elle venait dans ma direction. Je me suis alors retranché dans l’arrière-boutique. J’ai attendu là jusqu’à ce qu’elle y rentre elle aussi. Est-ce qu’elle m’avait vu ? Je me suis glissé derrière des rouleaux de tissus empilés en gardant un œil sur elle. Peut-être voulait-elle voler quelque chose ? Pourtant elle est restée à l’entrée, restant assise et immobile. En quelques instants, elle semblait s’être fondue dans le paysage, si bien que si je n’avais pas su qu’elle était là, mes yeux seraient passés au travers. Elle n’avait pas l’air si effrayante, accroupit parmi tous ces tissus. Sans savoir pourquoi, je me suis approché silencieusement avant de m’assoir non loin d’elle. Elle m’a dévisagé quelques secondes puis a de nouveau fixé son regard sur l’extérieur. Elle semblait attendre quelque chose, ou quelqu’un.

    J’ignorais tout d’elle mais je refusais de croire qu’elle était une mauvaise personne. Elle volait probablement pour survivre parce qu’elle n’avait rien ni personne, comme nombreux des jeunes de son âge. Mais je ne connaissais rien de tout cela et il me semblait que lui parler ainsi n’était pas une bonne idée. Alors j’ai gardé le silence.

    Après quelques minutes, mon père m’a appelé. J’avais disparu trop longtemps, et il avait besoin de mon aide. Mira n’a pas bougé, et ne semblait pas prête à le faire. Je reviendrai plus tard. Avant de partir, il fallait seulement que je m’assure qu’elle était bien la bonne personne, même si je doutais m’être trompé.

    -          C’est bien toi, Mira ?

    -          Oui, m’a-t-elle répondu sans hésitation.

     

    Vous connaissez déjà la suite, jusqu’à ce que Mira disparaisse en pleine nuit à la recherche d’informations. Je ne vous cache pas que j’étais bien embêté. J’étais censé la protéger et je l’envoyais je ne sais où, dans des quartiers inconnus et dangereux, qui plus est à la seule lumière de la lune. Mais la jeune voleuse savait ce qu’elle voulait et ce qu’elle faisait. Je pouvais lui faire confiance, au moins pour cela. Si j’avais tenté de l’en dissuader, je suis certain qu’elle aurait pris encore plus de risques… Il était tard, et ne pouvant plus rien pour elle, je suis rentré chez moi.

    J’avais prévenu mon père que je rentrerais tard et tous dormaient déjà. Mon quartier était l’un des plus sûrs de la ville : assez riche pour abriter des familles sans histoire, mais trop pauvre pour attirer les voleurs et les brigands. Ils étaient convaincus que rien ne pouvait m’arriver, et me laissaient libre de mes mouvements sans poser de questions, et je les en bénissaient.

    Le lendemain matin je me suis levé tôt avec la ferme intention de retrouver Mira. Je me suis dirigé directement vers le marché, le seul endroit où je l’avais vue, l’endroit où j’avais promis le silence en échange d’informations. Le code de l’honneur, chez les voleurs et les brigands, est très important et respecté. J’espérais de tout cœur qu’il en soit ainsi pour elle. Mais elle n’y était pas. Trois scénarios étaient, à mon sens, envisageables : soit elle n’avait pas tenu sa promesse, soit elle n’avait pas les informations qu’elle cherchait, soit il lui était arrivé malheur, et dans ce dernier cas, je ne me le pardonnerais pas. J’ai déambulé dans les rues sans trop savoir où aller. Certains quartiers étaient le repère de voleurs, bien sûr, et la logique aurait voulu que je commence par ceux-là,  mais ils n’étaient pas vraiment accueillant et je les craignais trop pour m’y aventurer seul.

    Mes pas m’ont finalement mené dans les larges rues animées du centre de la ville. J’ai atteint la rue principale, qui traverse toute la ville et les places les plus importantes, dont la place du marché, vers la gauche, et la rue principale, vers la droite. J’étais prêt à prendre à gauche pour retourner vers le marché pour vérifier qu’elle n’y était toujours pas lorsque j’ai réalisé qu’il régnait une atmosphère étrange dans la foule, aussi électrique que les jours de fête. Tous se dirigeaient vers la place principale. J’ai suivis le mouvement jusqu’à la place.

    C’est alors que je les ai vus avancer, en sens inverse, se frayant un chemin à coup de bâton parmi la foule ; ceux que tous surnomment les FAK : les redoutables Forces Armées de Kensyr !

    Par ici, lorsqu’on en voit, on se cache le plus vite possible. Surtout lorsqu’on a quelque chose à se reprocher. Mais de toute façon il y a toujours quelque chose contre vous. Qu’on vous ai vu parler avec la fille de la cousine du frère de l’un d’eux, qu’une source anonyme ait dit vous avoir reconnu voleur de pomme ou que vos habits ne conviennent pas à leur vue ; tout prétexte est bon pour vous faire payer une amande et passer une nuit en cellule.

    Mais cette fois, ils semblaient avoir arrêté de « vrais » coupables, puisqu’ils les tenaient à la vue de tous, au centre de la place. Je me suis approché pour voir de quoi il s’agissait, me frayant tant bien que mal un passage au milieu de la foule. C’est alors que j’ai reconnu les fines silhouettes d’une femme et de deux enfants. De vrais coupables ? Ils venaient d’arrêter une femme et deux enfants aux yeux de tous ! L’ambiance ressemblait pourtant bien à celle d’une fête. On entendait des éclats de rires, des hourras, ainsi que des voix criant sans gêne : « A mort ! ».

    Je n’ai compris que lorsque j’ai entendu autour de moi des conversations à propos de sorcières. Une sorcière qui aurait enfanté de deux démons. Si cette femme était accusée de sorcellerie, alors elle serait brûlée vive sur la place. Quant aux enfants, un sort identique les attendait probablement.

    Je me suis encore rapproché du cortège. La foule ne s’empêchait pas de rouer la pauvre femme de coups et on lui lançait toutes sortes d’objets. Elle saignait déjà à la tempe et les gardes ne faisaient rien pour en éloigner la foule oppressante. Malgré son pas chancelant, elle gardait fièrement la tête haute, et tentait de protéger de ses mains liées dans le dos les deux adolescents qui la suivaient. Un garçon et une fille. L’un avait des cheveux bruns qui tombaient dans ses yeux sombres, et l’autre était blonde aux reflets roux et ses yeux hésitaient entre le bleu et le vert Seule une même lueur horrifiée se reflétait au fond de leurs deux regards, cachée par un semblant de fierté que leur inspirait leur mère. Quoi qu’il en soit, ils n’avaient rien de démoniaque à mon goût.

    Une fois au centre, sur une sorte de piédestal en bois, un des gardes à saisit un parchemin. Le silence s’est fait sur la place et il a commencé à lire d’une voix impériale :

    -          Cette personne, du nom de Maynie Trelos, a été officiellement arrêtée ce matin au cœur d’Imélia, que vous savez être la forêt interdite. Voici les chefs d’accusation qui pèsent contre sa personne : présence illégale dans une partie interdite de la royauté de Kensyr, détention illégale de produits et potions potentiellement dangereuses, pratique illégale de la sorcellerie, dissimulation de la naissance illégale de deux enfants et conspiration pour l’enlèvement des dix-sept adolescents disparus ces deux dernières années.

    A cette dernière accusation, des cris s’élevèrent parmi les spectateurs. J’avais entendu parler de la disparition de ces adolescents mais jamais l’on ne m’avait parlé d’enlèvement, surtout pas par cette prétendue sorcière. La foule était folle de rage, chacun était prêt à voir payer Maynie Trelos pour les crimes qu’elle avait commis, et ceux qu’elle n’avait peut-être pas commis. Ils avaient besoin d’un coupable.

    -          Madame Maynie Trelos est donc condamnée au bucher. Néanmoins, si elle apporte son aide à l’enquête concernant les enlèvements et assume chacun de ses crimes par des aveux complets, sa peine ainsi que celle de ses enfants sera plus clémente.

    La désapprobation du public s’éleva tel un glas funèbre annonceur de mort. L’homme enroula le parchemin et se rapprocha de sa prisonnière.

    -          Nous voulons des noms.

    -          Mes enfants sont innocents. Laissez-les vivre et je vous dirais ce que je sais.

    -          Je ne pense pas que vous soyez en mesure de négocier quoi que ce soit. Les noms, insista le garde.

    Elle a soutenu son regard et est restée impitoyablement silencieuse. Il a levé le bras et l’a baffée si fort qu’elle est tombée sur l’estrade. Les deux enfants ont réagis au quart de tour se débattant vainement pour aller la défendre. La jeune fille est tombée à genoux et a supplié le garde de ne plus frapper sa mère, les larmes aux yeux. Mais le garde FAK a envoyé un coup de pied dans les côtes de la pauvre femme qui tentait de se relever. Il l’a ensuite attrapée par le col pour la relever et la présenter aux yeux de tous.

    -          Cette sorcière sait où se trouvent vos enfants ! Elle veut entraver notre enquête mais nous la ferons parler et nous vous ramèneront vos enfants, s’ils ne sont pas déjà morts par sa faute !

    D’après la majeure partie de la foule, il avait raison. Je ne voulais pas assister à la suite, sans pouvoir rien faire. J’ai traversé la marée humaine pour m’éloigner au plus vite de cet affreux spectacle, le moral au plus bas. C’est alors que dans mon champ de vision est apparue Mira, venant de nulle part, comme à son habitude.

    -          Tiens, une connaissance ! s’est-elle écriée. Je viens du marché, que se passe-t-il là-bas ?

    -          Condamnation. Une femme accusée de sorcellerie et d’enlèvement. Ce n’est pas beau à voir.

    -          Vraiment ? Alors comment expliques-tu cet attroupement ?

    J’ai haussé les épaules. Je n’approuvais pas la situation. Toute personne n’avait-elle droit à un jugement en bonne et due forme, quels que soient ses crimes ? Mira parut soudain septique.

    -          Que se passe-t-il, j’ai faits quelque chose ? ais-je questionné.

    -          Tu as bien dis enlèvement ?

    -          Oui, tu sais, les adolescents disparus.

    -          Faut que je parle à cette femme ! s’est-elle écriée en s’élançant vers la place.

    Je l’ai suivie. Il fallait que je l’arrête avant qu’elle ne fasse une erreur qui lui coûterait probablement la vie. Elle aussi était recherchée depuis longtemps… Je l’ai attrapée par le bras.

    -          Et que comptes-tu faire ? Elle est étroitement surveillée non seulement par des gardes mais aussi par la foule ! lui ai-je lancé.

    -          Lâche-moi ! Les disparitions ont un rapport avec l’Organisation. Si cette femme à un lien avec elles, alors elle doit connaître l’Organisation !

    -          Ce n’est pas une raison pour te suicider !

    -          Bien. Que proposes-tu ?

    Je n’avais malheureusement pas de réponse à lui soumettre. Devant mon silence, Mira à repris d’un ton victorieux :

    -          Dans ce cas, nous allons faire à ma manière. Ais juste un peu confiance, je pense être mieux placée que toi pour ce genre d’opération.

    -          Je te suis.

    -          Hors de question, toi, tu restes là, a-t-elle vivement objecté.

    Elle s’est retournée sans me laisser le loisir de protester. Je n’avais plus le choix, je devais de nouveau assister à la scène en tant que simple spectateur, que cela me plaise ou non.

                Sur la place, une sorte de mat avait été hissé sur une estrade pour y ligoter Maynie Trelos. Elle baissait la tête, cachant honteusement les blessures de son visage à la foule. Combien de temps résisterait-elle avant de parler ? J’étais admiratif de cette femme, qui malgré tout ce qu’elle subissait, refusait d’aider ses ennemis. Ses enfants aussi mettaient toutes leurs dernières forces dans leur folle résistance, et le jeune brun se débattait toujours avec autant de fougue ; et toujours aussi inutilement.

                Hypnotisé par le funeste spectacle qui s’offrait à mes yeux, j’avais perdu Mira du regard. J’ignorais quel était son plan mais elle avait raison, c’était elle la spécialiste. J’espérais simplement que son plan était génial, parce que la situation n’était pas vraiment à notre avantage.

                Je n’ai pas attendu très longtemps : une lame a surgit dans le ciel, allant se figer dans le mat dressé sur la place. Les liens de la prisonnière se sont relâchés et elle s’est écroulée sur l’estrade. Le soldat qui se trouvait à ses côtés l’a observée un moment sans comprendre avant de tomber à son tour, un couteau planté dans le dos.

                 La foule a eu un mouvement de recul. La panique l’a rapidement envahit et les spectateurs les plus effrayés ont courus en sens inverse. Bousculé par ce chaos, je me suis retrouvé à terre, piétiné sans pitié. J’ai ainsi raté la suite des événements, allongé sur le sol. Lorsque je me suis redressé, les gens restant étaient attroupés au plus près de l’estrade et se battaient entre eux pour attraper ou défendre les deux adolescents et leur mère. Il ne restait qu’un unique soldat encore debout. Celui-ci est monté au niveau de l’accusée à une vitesse surprenante, l’a mise sur son dos puis a traversé la place se servant d’elle et de quelques civils comme bouclier. J’ai rejoint les hommes et femmes qui avaient défendus les prisonniers. Certains d’entre eux n’étaient finalement pas plus âgés que Mira et moi, tandis que d’autres ne comptaient plus leurs années depuis longtemps. Récupérant ses lames dans le corps de ses victimes avant de les essuyer sur leurs vêtements, Mira semblait exaspérée. Les événements ne s’étaient pas tout à fait déroulés comme elle l’avait souhaité. Elle s’est tournée vers le bas de l’estrade et m’a aperçu.

    -          Toby… Je crois bien que je vais devoir tuer quelqu’un !

    J’ai observé le corps qui jonchait le sol à ses pieds avec une moue dubitative.

    -          C’est déjà fait…

    Elle a marqué un temps d’arrêt, puis m’a souri, calmée.

    -          Tu as raison, je parlais de ce garde qui s’est barré avec la prisonnière. Ne fait pas cette tête, ces gardes des Forces Armées de Kensyr n’ont eu que ce qu’ils méritaient ! Bon, espérons que ses enfants savent quelque chose…

    Elle a sauté au bas de l’estrade et s’est dirigée vers les deux jeunes. Les hommes s’écartaient sur son passage pour la laisser passer, marque d’un profond respect.

    La blonde s’est redressée, soutenant son frère. Elle était un peu plus grande que Mira, et la toisait d’un œil mauvais.

    -          Que nous voulez-vous ?

    -          Vous sauver, a rétorquer Mira sans faillir.

    -          Eh bien… Merci. A présent nous voudrions rentrer chez nous. Avec notre mère si possible.

    -          Non, ils l’ont emmenée. Et il se pourrait que nous ayons besoin de votre aide.

    Le masque dur de la jeune fille s’est écroulé avec toute sa fierté. Elle n’en pouvait plus de se battre.

    -          Mais qu’avons-nous à voir avec tout ça ?

    -          Je vous renvoie la question, je n’en sais pas plus que vous.

    -          Alors pourquoi vous donner tant de mal pour nous ? a-t-elle demandé, les yeux emplis de tristesse.

    -          Je cherche une certaine Organisation secrète.

    -          Jamais entendu parler, désolé…

    Mira a exprimé sa déception d’un soupir et s’est retournée vers moi.

    -          Ne me demande pas de m’excuser pour cette hécatombe… a-t-elle grimacé.

    -          Je ne m’apprêtais pas à le faire. La suite m’importe plus.

    -          T’inquiète pas, je pense avoir une piste !

    -          Et que fait-on de ces deux-là ?

    La jeune fille blonde a redressé la tête :

    -          Vous ne pouvez pas nous abandonner maintenant ! Mon frère est grièvement blessé et nous ne connaissons rien à la ville… Ni aux hommes…

    -          Bien sûr que nous pouvons ! a lancé Mira d’un air de défi.

    -          Oh que non nous ne pouvons pas !

    Elle s’est retournée vers moi et m’a lancé un regard noir.

    -          C’est hors de question que je joue les nounous, si tu veux t’occuper d’eux, libre à toi, mais je ne t’attendrais pas ! J’irai retrouver cette organisation au plus vite, avec ou sans toi.

    -          Dans ce cas nous venons avec vous.

    Le brun venait à son tour de lever les yeux sur nous et avait parlé d’une voix faible mais décidée.

    -          Silas, c’est à peine si tu peux marcher, a objecté sa sœur.

    -          Nous n’avons plus rien, Azalée, et je veux quelque chose de meilleur pour que la petite fleur que tu es s’épanouisse. Il faut qu’on les accompagne et qu’on trouve cette foutue Organisation, quoiqu’elle cache, parce que notre mère est faisait peut-être partit et qu’elle n’aurait jamais enlevé des enfants pour le plaisir.

    -          Et si elle était victime de chantage ?

    -          Elle n’aurait pas risqué sa vie pour eux, qui qu’ils soient.

    Azalée a soupiré mais l’a aidé à se lever, vaincue.

    -          Eh, on ne m’a pas demandé mon avis, a protesté Mira.

    -          Je t’en prie, fais preuve d’un peu de bonne volonté ! ai-je contré.

    Les deux jeunes blessés lui ont lancé un regard suppliant avec un bel ensemble. Elle a détourné le regard d’un geste vif pour le poser sur l’entrée de la place.

    -          Quoiqu’il en soit on ferait mieux de ne pas rester dans les parages.

    Sa réponse sonnait comme une approbation déguisée. N’aurait-elle pas pu simplement dire « oui » ? Elle avait néanmoins raison, comme toujours : les passants reprenaient peu à peu possession de la place et des gardes ne tarderaient pas à venir en renforts. Ou peut-être ne s’en donneraient-ils même pas la peine, pour deux adolescents blessés… Il nous fallait nous mettre en route vers cette Organisation mystérieuse, malgré notre appréhension de l’inconnu et nos doutes. Pourquoi me sentais-je si imprégné de cette idée, moi dont la vie était sans encombres, moi qui n’avais rien à voir ni avec ces deux jeunes adolescents, ni avec l’imprévisible Mira ? Pourtant je reconnaissais la présence d’un livre que j’avais vu le jour précédent, s’illuminer dans mon esprit comme il l’avait fait dans les mains de Mira. Ce livre que je n’avais pu oublier et qui me poussait à continuer notre investigation pour retrouver l’Organisation… »

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